Un invincible été
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Surfer la vague

par Pauline La vie 26 juin 2022
Il y a eu un matin un orage qui a grondé comme une grosse colère. Cela faisait plusieurs heures déjà...
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6 mois

par Pauline La vie 6 juin 2022
Je veux tout ressentir.La phrase claque dans ma mémoire à court terme. Prononcée un de ces soirs de longues conversations...
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La grenade

par Pauline Histoires 14 mars 2022
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Le premier bar avant le début du monde

par Pauline Histoires 14 mars 2022
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3 mois

par Pauline Le corps 6 mars 2022
« Sommes-nous capables, nous qui vous avons invitées dans ce monde, de nous engager à ne pas vous éteindre […] ? »...
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Sans alcool tour

par Pauline L'assiette 2 mars 2022
J’ai appris ma grossesse le 25 décembre au petit matin, et comme j’avais un peu espoir mais pas trop, j’ai...
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2021 en 12 photos

par Pauline La vie 31 décembre 2021
Créature d’habitudes et d’états intérieurs consciencieusement inscrits dans mes journaux, j’ai pourtant longtemps été profondément déprimée par les bilans. Je...
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Bienvenue ! Je m'appelle Pauline, je suis écrivaine et vous êtes sur mon blog.
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Couverture "Aux endroits brisés"

Mon deuxième essai, Avortée, une histoire intime de l'IVG,
sort le 25 mars 2022 chez Daronnes. À précommander !

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Lundi, je perds aux jeux de société. Je perds so Lundi, je perds aux jeux de société. Je perds souvent, à tous les jeux, et ça ne m’ôte jamais l’envie de jouer – de moi j’aime bien ça. Mardi, je mets du temps à arriver à destination, me découvre philosophe aux jambes lourdes, et enfin mon amour me manque quand notre enfant que je suis la seule à porter bouge sous la peau sans qu’il soit là pour en témoigner. Mercredi, dans la baignoire immaculée je fais flotter mon corps si lourd et dans l’air je fais flotter des vers que je lis la voix serrée d’émotion. Jeudi, je m’endors au clair de lune tout au fond de la Bretagne avec la satisfaction du travail bien fait mais surtout terminé. Vendredi, je pleure dans un train parce qu’il faut tout vider, maintenant que c’est fini, qu’on peut se reposer. Samedi, la tendresse prend l’odeur de nos peaux nues sous la couette en plein après-midi pour regarder un film — la tendresse fait le bruit de sa voix quand il me dit “on mange ce que tu veux” parce qu’il sait que ça me réconfortera. Dimanche au parfum du linge propre et de la glace qui fond trop vite, assise dans l’herbe à l’ombre de la cathédrale, il ne me faut que ça pour oublier que cette semaine c’était un peu dur et pour me rappeler qu’en fait ça va aller.

(La poésie lue dans le bain, c’est En l’absence du capitaine, de Cécile Coulon : c’est superbe.)
Lundi pinceaux mélangés, une saveur de Bêtise d Lundi pinceaux mélangés, une saveur de Bêtise de Cambrai ou de tarte renversée. J’ai passé l’après-midi à la terrasse ensoleillée en attendant l’heure, et c’était facile de transformer l’erreur en délice impromptu. Mardi, je dors. Mercredi, dans la salle d’attente le ballet des femmes enceintes. Je remarque le panneau, en raison du Covid seuls les conjoints peuvent accompagner les consultations, enfants non-autorisés sauf nourrissons en poussette. Je remarque que c’est complètement con, excusez mon langage. Jeudi, je commence déjà à imprimer des interprétations sur les mouvements de l’enfant qui m’habite : ce coup serait une protestation, celui-ci une caresse, là c’est sûr iel danse. C’est le début des devinettes. Vendredi, le temps fait l’accordéon, entre l’alors et le maintenant. Parler d’un livre écrit paru, c’est accepter le flot qui coule inexorablement, accepter de revenir sur ce qui est derrière soi, il faut toujours jeter un œil en arrière. Mesurer le chemin parcouru, c’est aussi ne plus jamais pouvoir se renier. Samedi, un autre train, des amis. On est fatigués mais on a du mal à aller se coucher, c’est trop chouette de se retrouver. Dimanche au bord de la Maine, plus j’connais l’homme et plus j’aime les chiens, il y en avait plein, c’était super. 

(En bonus la photo de mi-marathon 🐣 et le soleil dramatique par la fenêtre d’un train jaune. Les hommes et les chiens, c’est Desproges et c’est aussi la belle chanson “Lâchons-les” de Cabadzi qui me suit depuis un des tatouages que @chienfou_ m’a mis dans la peau.)
J’ai appris ma grossesse le matin du 25 décembr J’ai appris ma grossesse le matin du 25 décembre. Le 26, on a pris la route jusqu’au minuscule AirBnB alsacien où on avait prévu de randonner et où, au final, j’ai surtout dormi en n’en revenant pas trop de cette farceuse de vie. J’avais dans mes bagages l’avant-dernière version d’Avortée, que mon amoureux a lue pendant une de mes siestes. À la dernière version, j’ai mis un peu de temps à trouver la formulation, mais j’ai fini par glisser ce dernier remerciement :

(à la minuscule vie dont j’ai choisi aujourd’hui d’être la maison.)

Ce soir je me prends des coups de boule dans la main à travers la peau de mon ventre strié. Raccourcir la phrase, j’ai aussi la boule au ventre à cause de la Cour Suprême américaine, de Roe v. Wade qui part en fumée. Je me sens fragile et terrifiée — rien évidemment en comparaison de comment doivent se sentir les femmes là-bas. Je me souviens de tous les saluts qui se sont nichés dans mon IVG, celui de m'être trouvée, celui d'avoir construit un désir de maternité conscient, éclairé, joyeux. Celui d'un matin de Noël en forme de plus beau cadeau parce que cette fois, tout était prêt (surtout moi).

J'ai un peu envie de pleurer mais on va mettre ça sur le compte des hormones, du bébé, du bonheur, plutôt que sur celui de tout ce qui me fait peur.
Lundi, immense désert dans lequel je déterre qua Lundi, immense désert dans lequel je déterre quand même quelques gemmes. Mardi, après une longue solitude ensoleillée, je retrouve mon amour. Au détour d’un lapsus pousse en moi un fou-rire immense, ils sont nombreux dans notre vie à deux. Mercredi, je déguste des petites choses délicieuses qui me rappellent pourquoi manger nourrit l’âme aussi. Je ris encore et ça aussi, ça m’émerveille, ce rire en cascade, incontrôlable. Jeudi, je sens mon corps se détendre à mesure que les visages en face de moi se font familiers. C’est le pouvoir mystique des rencontres ; d’inconnu·es on devient en quelques dizaines de minutes des humain·es dans le partage et je n’ai plus peur. Vendredi, une autre rencontre, le minuscule nez de mon minuscule bébé, et le bruit de son cœur qui fait battre le mien un peu plus vite. Samedi j’ouvre grand les bras, Marion est là. On mange on dort on parle, on se voit. Dimanche a la même saveur, quand on se dit au revoir je me dis déjà vivement nos prochaines retrouvailles.
Lundi, c’est comme un dimanche et la mine brouil Lundi, c’est comme un dimanche et la mine brouillonne je serre Anaïs dans mes bras. Elle apporte des gros livres pour moi et de minuscules chaussons que l’enfant portera dans longtemps. Mardi, vingt semaines derrière, vingt semaines devant. L’enfant cogne trois coups contre la main de celui qui devient son père, est-ce que ça ouvre une porte ? Mercredi je deviens allergique aux ça va, je ne veux plus me poser la question, je me demande pourquoi. Jeudi, je me relève et je reprends les armes, je refuse l’immobilisme, je me secoue. Je le paye d’un corps douloureux mais c’est ça être en vie, aussi, je me dis, c’est sentir le corps exister. Vendredi, bonnes nouvelles. Crépitent au bout de mes doigts les suites des histoires qui sommeillent en moi. Samedi attablés au café préféré, il veut dire « mon épouse n’a plus la carte de fidélité », il trébuche sur les mots à la place il dit « mon amour ». Et de s’aimer autant on se trouve tout gênés. Dimanche en apnée, je me souviendrai d’avoir dormi la fenêtre ouverte, d’avoir cuisiné pour les miens, du grand mouvement du bébé en dedans qui veut dire rien ne s’arrête maintenant, au contraire c’est ici que tout commence.
Lundi, je lave mes cheveux et la vaisselle, tout e Lundi, je lave mes cheveux et la vaisselle, tout est propre enfin et moi je suis vide. Mardi, des femmes ferment les yeux pour mieux s’écouter. Je regarde leurs beaux visages offrir et recevoir, les mots éclosent comme des tulipes, c’est le printemps au bout de leurs langues. Mercredi, mon amour revient, preux chevalier sur son vélo blanc, et me tend en offrande une boîte de chocolats, je fonds. Jeudi, larmes d’impuissance au goût de ressac, je les goûte du bout du cœur. Elles me disent qu’elles sont revenues parce qu’elles savent que maintenant je ne me noie plus. Vendredi, Rosa me dit « ça fait six ans que je te lis ». Je sursaute d’une émotion violente. Tout ça ?! Oui, tout ça. Samedi réveillée par les rayons du soleil qui s’étalent à l’est, j’ouvre grand la porte du balcon et retourne me glisser dans les draps et le silence immaculés. Dimanche : les Anglais disent “commit to memory”, commettre en mémoire, pour immortaliser. Quand je me prends en photo dans toute la réalité de ce que la grossesse veut dire pour mon corps, je veux graver dans ma mémoire l’inconfort de n’avoir pas le ventre lisse et glabre des pubs pour futures mamans épanouies. D’être striée, velue – « malade », me rappelle mon amour, pas juste incongrue inadéquate ingérable. Quand je mets ce souvenir en mémoire je veux qu’il contienne ce pelage qui me gêne, ce qu’il veut dire : je suis malade, et ce que le souvenir murmure : je suis enceinte malgré tout oui, malgré la maladie qui entravait le chemin de son spectre infertile (au diable les pubs et la peau lisse). (ACAB également.)

(L’eau de mon bain n’est pas mazoutée, c’est une bombe de bain Lush qui m’a laissée des paillettes sur la peau toute la semaine.)
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